Chaque instant est un instant de vie et rien d’autre.
De bon matin, nous sommes partis à trois vers le vieux port de La Rochelle pour ce congrès très marin ! Nous étions logés à l’hôtel « Les gens de mer », nous avons planché le vendredi après-midi dans l’Aquarium, littéralement, car l’arrière-scène de l’amphi n’était autre que l’immense paroi d’un aquarium dans lequel évoluaient majestueusement des tortues géantes en compagnie de beaux poissons rayés d’or. Le congrès s’est déroulé dans une superbe salle entre ciel et mer d’un bleu éclatant et strié de bateaux blancs. Image radieuse de la vie même, en écho avec le thème de cette journée « Vivre sa vie à chaque instant ».
Jacques Ricot, pour nous parler de la vie, a articulé ces deux événements que sont NAÎTRE et MOURIR. Deux événements naturels et culturels ; nous ne les faisons pas comme des animaux. Ils sont marqués par des actes rituels symboliques.
- Ils se dérobent à la conscience. On ne naît pas en première personne, l’expérience directe nous en est interdite. Pas plus qu’on ne peut dire « je suis mort ».
- Ils échappent à notre pouvoir, ce qui déroute l’homme moderne qui veut tout maîtriser.
- Ils sont non-réitérables. Le caractère unique de la mort a suscité beaucoup d’écrits mais l’unicité de la naissance est peu évoquée.
Pourtant « Vivre c’est consentir à être né » Paul Ricœur.
Nous sommes bornés par ces 2 limites : la naissance et la mort. Seul le fait d’être né un jour nous permet d’échapper à l’illusion de se croire éternels et nous sommes vivants jusqu’à la mort. Il n’y a que deux catégories: le vivant et le mort.
« L’Être est un être contre la mort »…. tout contre. Chaque jour compte car le temps nous est compté. Si nous étions immortels la saveur particulière de chaque jour serait quasi inexistante.
Chaque instant est un instant de vie et rien d’autre.
Damien Legay, philosophe, a quant à lui insisté sur l’importance d’éprouver sa vie jusqu’au bout. La loi Leonetti a oublié de souligner le droit à avoir des émotions et la conscience de celles- ci jusqu’au bout. La sédation trop systématique n’aboutirait-elle pas à remettre en cause ce droit ? Il faut réhabiliter l’expression de ces émotions terminales. Transformer par la conscience les émotions qui nous traversent, c’est faire l’expérience de la transcendance ; la conscience a là une fonction de récit qui donne le sens à ce qui est vécu. Faisons l’éloge des larmes et ne les effaçons pas immédiatement par des pilules !
« Si le monde nous échappe par excès de souffrances, on peut aussi le manquer par avarice de larmes » Chantal Thomas.
Ce congrès bien vivant a été marqué par de nombreuses autres interventions, de Régis Aubry à Alain Claeys en passant par les témoignages de soignants et bénévoles pour lesquels l’importance cruciale de la formation aux soins palliatifs et à l’accompagnement a été soulignée (pourquoi ne pas développer des formations croisées ?). Les annales du congrès seront à retrouver sur le nouveau site de l’UNASP.
Dans la longue visite émerveillée de l’Aquarium que nous avons pu faire, dans la contemplation des raies guitares, des rascasses volantes et autres poissons anges aux graphismes multicolores, dans le ballet délicat et soyeux des méduses orangées sur fond turquoise, dans les coraux palpitants rouge sang, violet, jaune d’or nous avons éprouvé la densité, la profondeur et la beauté de la vie dont il a été question tout au long de ce congrès. C’est cette conscience aiguë de la plénitude de la vie ici et maintenant que nous devons partager dans nos accompagnements.
C’est pour ma part le message que j’ai retenu de ce très beau congrès.
Brigitte Écobichon