Bénévolat et Fraternité. Les bienveillants.
En France, on a gravé sur tous les frontons des mairies, les trois concepts qui forgent l’imaginaire des citoyens : Liberté, Egalité, Fraternité. Tous les Hommes, selon la loi de ce pays, naissent désormais libres et égaux en droits afin que ne se conçoive plus la servitude de certains.
Le concept de Fraternité s’inscrit également dans une vision universelle pour rappeler que la condition d’humain se partage par tous et ce terme vient rappeler que, non seulement on ne s’humanise pas seul, mais que l’on fait tous partie de la même famille humaine d’où il est impossible de dissocier un humain de ses frères.
On aurait pu ainsi aller encore plus loin en inscrivant le mot Solidarité. Car il est impossible d’exister les uns sans les autres et si un être est entièrement livré à lui-même dès la naissance sans être en contact avec le moindre humain, il ne dispose pas du langage ni des ressources qui lui permettent de survivre très longtemps.
Pour faire société, il s’agit d’élaborer les modalités des liens qui vont unir ou désunir, les liens de filiation, les croyances autour desquelles se fédèrent les valeurs, les totems et les tabous.
Les liens trans-générationnels ont été longtemps les fils par lesquels se sont transmises les traditions culturelles et puis, vers le milieu du siècle dernier, l’individualisme a fait son apparition ; L’Homme a voulu s’extraire de son magma familial et, croyant mettre en œuvre le principe de liberté s’est senti le droit de disposer de lui-même sans percevoir que l’équation liberté-individualité ne lui donnait pas un accès automatique à cet idéal. Voire même, cette prétention au JE sans le TU et le NOUS, pouvait mener directement à une solitude non assumée, puis un isolement et une forme de servitude envers soi-même.
Durant cette période, l’état qualifié alors de providence, a permis que se distendent les liens horizontaux entre les personnes, pour les tenir, comme des marionnettes, par des liens verticaux qui se sont invités dans les espaces laissés vides par les solidarités.
Les professionnels sont intervenus là où la fraternité d’autrefois se mettait en œuvre pour partager un peu de pain, un petit espace, un moment d’attention.
Les prestations sont devenues payantes en remplacement de ceux dont on aimait à dire pour en souligner les vertus, qu’ils « étaient toujours prêts à rendre service ».
Tout se rétribue désormais et si l’on dit toujours que l’argent ne fait pas le bonheur, on oublie trop qu’il n’est qu’une monnaie d’échange.
On dit aussi que chaque médaille a son revers et en Occident, où l’on pense généralement de manière binaire, on ne peut concevoir que deux formes de la solidarité puissent cohabiter ensemble.
Cependant, alors même que les proches portent des situations trop lourdes pour eux ou que les personnes malades ou en fin de vie se retrouvent privées de liens de solidarité et, disons-le de reconnaissance et de tendresse, on se demande ce qui « pousse » les bénévoles à assurer leur « servitude volontaire ».
A ces « bénévoles » qui se rendent au chevet des personnes pour leur apporter une présence humaine profonde et vraie, on pourrait donner certains noms qui souligneraient leur engagement humaniste, leur volontariat non professionnel, leur souci de non abandon des plus démunis, mais on les désigne par une particularité : la non rétribution en argent.
Il est exact qu’ils ne sont pas là pour recevoir de l’argent. Ils sont même là pour ne pas recevoir d’argent. Alors que viennent-ils prendre là, en ces lieux où il n’y a rien et que chacun fuit ?
Ils veillent.
Le terme de Bénévolat pourrait se traduire par « bien veillants ».
Ils veillent là où, trop souvent, on ferme les yeux lorsque la vulnérabilité des uns est assujettie à la malveillance des autres.
Ils veillent là où le corps est désolidarisé de l’esprit qui y souffle.
Ils veillent là où la lumière des regards reflète l’humanité jusqu’au plus profond de soi.
Ils veillent dans la nuit des temps qui ne veulent pas se perdre à attendre la mort.
Ils veillent pour laisser allumée la lueur de l‘espérance rappelant à l’essentiel devant la privation de liberté, l’inégalité de naissance ou de droits qu’est la Fraternité.
« Autrui est réserve d’espérance sans lequel je JE grelotte de solitude »
R.M. Johnson
Eugénie Poret